intérim et recrutement

Les secteurs qui seront générateurs d’emplois en 2015



Paradoxalement, le contexte est plus favorable à la création d’emplois, malgré des prévisions de croissance faible. EN particulier pour les cadres, qui profitent de la transition des entreprises vers le numérique.

Bonne nouvelle : les entreprises devraient se remettre à courtiser les cadres. « Nous n’avons pas encore retrouvé le niveau d’avant 2008, mais il y a un espoir, observe Maryvonne Labeille, vice-présidente de Syntec Conseil en recrutement, qui représente 140 cabinets français. Cette année, leur recrutement sera stable ou en légère progression par rapport à 2014. » Axa, qui est à la tête de notre classement des intentions de recrutement de cadres en 2015 (hors SSII), a prévu d’embaucher 5.500 personnes, dont 2.000 cadres. « Nous avons la chance d’être une entreprise globale qui suit ses clients à la fois sur leurs territoires d’origine et des territoires nouveaux, comme en Inde, en Chine ou au Nigeria, explique Henri de Castries, son PDG.Notre métier est d’accompagner des acteurs économiques dans les endroits où il y a de lacroissance en les aidant à évaluer les risques. Notre croissance est le reflet de cette prise de risque. » En France, alors que l’activité générale est déprimée, l’entreprise a gagné des parts de marché. « Nous sommes le premier assureur des entreprises françaises », se félicite son dirigeant.

Si les prévisions de croissance restent faibles – 0,7% en France –, le contexte est en effet plus favorable. Les grands plans de licenciement se font rares, et même si la création d’emplois reste limitée, il devient impératif dans de nombreuses entreprises de remplacer les 8.000 cadres qui partentcette année à la retraite. Résultat : leur taux de chômage n’est que de 4%, contre 10,4% pour l’ensemble de la population.

L’informatique le plus attractif

En termes de secteur, l’informatique devrait être le plus attractif, avec 35.000 recrutements prévus, dont 6.000 créations de postes, selon Cadremploi. « La fonction informatique est devenue la première en nombre avant les commerciaux, précise Thibaut Gemignani, le directeur général du site Cadremploi. Le résultat des projets de digitalisation des entreprises et du développement de la R&D. » Capgemini, leader mondial dans les domaines du conseil et des services informatiques, prévoit, par exemple, d’embaucher autant en 2015 qu’en 2014, soit quelque 2.500 cadres. La Société générale va recruter 650 développeurs, chefs de projets, responsables sécurité ou architectes de l’information. Thales, qui recrute près de 900 cadres, recherche des profils dans les services et le contact avec ses clients. L’entreprise CGI prévoit d’embaucher 1.200 personnes l’an prochain, très majoritairement des cadres. « Nous recrutons 60% de jeunes diplômés, parce que nous voulons du personnel formé aux toutes dernières technologies », explique Julien Cotte, le directeur du recrutement et de la mobilité du groupe.

Dans les grands groupes aussi, les besoins en IT (Information Technology)sont en augmentation. Avec une forte compétition pour attirer les meilleurs talents. « Avec 70% de débutants, la bagarre commence dès le stage, car un bon élève d’école d’ingénieurs a déjà trois ou quatre propositions », explique Jacques Adoue, DRH France de Capgemini.

Plus généralement, les ingénieurs sont très prisés. A la SNCF, sur les 800 cadres attendus, les deux tiers sont des ingénieurs spécialisés dans les infrastructures et la construction, la maintenance et les travaux, le ferroviaire et la circulation. « La SNCF devient un acteur de mobilité globale », explique Françoise Tragin, responsable recrutement.

Profils variés

Dans l’industrie, les postes disponibles se sont déplacés vers les fonctions R&D. L’électronique, l’aéronautique, l’énergie, l’environnement, l’optronique et même l’automobile – qui se porte mal dans d’autres fonctions – ont entamé leur quête de cadres dirigeants. Thales chasse les candidats dans les secteurs de la recherche ainsi que dans l’ingénierie de systèmes.

La banque tente, quant à elle, de se défaire d’une réputation de secteur figé. Suite à l’intérêt d’investisseurs internationaux, les volumes de recrutement sont repartis à la hausse sur des profils aussi variés que vendeurs, asset managers ou gestionnaires titrisation. Bel exemple en la matière, la Société générale va ouvrir des postes d’experts dans l’analyse de financements pour de grands projets d’infrastructures, la banque de financement et de traders, même si les volumes sont limités. « L’image de marque de notre banque continue d’attirer. On reçoit 300.000 candidatures chaque année », précise Odile Grassart, la directrice recrutement du groupe.

Envie de changement

Cette reprise libère les envies de changement. Selon le baromètre Cadremploi-Ipsos de septembre 2014, 45% des cadres se disent prêts à saisir de nouvelles opportunités. « Le turnover des cadres est bien plus fort que dans le reste de la population, même si, statistiquement, la mobilité ne concerne que 6% des cadres », tempère Thibaut Gemignani, de Cadremploi.

L’envie de changer est là, mais dans un contexte difficile, les exigences se multiplient avant de franchir le pas. « La prise de risque effraie à cause de la période d’essai, mais aussi la peur que les conditions familiales changent,explique Maryvonne Labeille. A tel point qu’un tiers des candidats qui sont sur le point d’être débauchés finissent par retirer leur candidature. »

Tous les cabinets de recrutement ont senti cette valse-hésitation en 2014 et l’anticipent à nouveau pour cette année. « Les processus de recrutement sont devenus complexes, avec des effets de stop and go, détaille Emmanuel de Catheu, directeur général d’Experis Executive à ManpowerGroup. Les attentes des cadres expérimentés sont très élevées, et les redéfinitions de postes en cours de recrutement fréquentes. »

Si le nombre de mandats n’a pas diminué en 2014, ces structures ressentent, en revanche, une pression à la baisse sur les rémunérations. Les entreprises du CAC 40 cherchent à faire des économies. A l’image d’Axa France, une poignée d’entre elles ont d’ailleurs poussé la logique jusqu’à constituer un cabinet inter-ne de recrutement. « Nous voulions disposer de recruteurs partageant la culture de l’entreprise, raconte Muriel Nicou, responsable recrutement à Axa. Cela nous permet d’anticiper nos besoins de façon proactive. » Mais aussi de travailler son image : Axa participe, par exemple, au concours du meilleur développeur de France pour attirer les talents.

Pénurie de talents

Car, qu’on ne s’y trompe pas, à l’heure actuelle, les grandes entreprises font face à une pénurie de « talents ». Le chômage persistant a donné, un temps, l’impression que le nombre de prétendants sur le marché était élevé, mais rares sont ceux qui ont le niveau exigé. Les profils les plus recherchés combinent le bon diplôme, une capacité d’adaptation nette, des qualités managériales et une aptitude d’ »intrapreneur », c’est-à-dire une capacité à mener des projets dès leur arrivée. « Il y a eu un récent changement de cap : les entreprises se sont enfin décidées à anticiper leurs besoins pour étoffer leurs équipes, qui souvent sont en sous-effectif depuis des mois », expose Coralie Rachet, directrice France de Robert Walters.

Et elles misent de plus en plus sur un outil de long terme : le talent management. Il s’agit de repérer et d’accompagner les salariés à fort potentiel à l’extérieur et au sein de l’entreprise. La Société générale a ainsi mis en place ce qu’elle appelle le « programme de l’inspection », une formule tremplin pour une quarantaine de profils triés sur le volet pour des missions d’audit et de conseil dans l’ensemble du groupe, en France ou à l’étranger.

Ces méthodes commencent à faire leurs preuves auprès des postulants. Car, pour les meilleurs candidats, le niveau de salaire n’est plus le premier critère de choix. « Les candidats cherchent surtout à ajouter la bonne ligne sur leur CV, à établir un parcours de carrière cohérent et prestigieux,résume Emmanuel de Catheu. Ils sont attirés par la marque employeur, le potentiel évolutif en termes de fonctions ou dans les différentes branches de leur entreprise. Ils s’intéressent aussi au mode de fonctionnement de l’entreprise, à son ADN. » Jacques Adoue, le DRH France de Capgemini, ne s’y est pas trompé. Il présente son entreprise aux candidats comme le moyen d’acquérir « une expérience inégalée. Passer chez nous, c’est un accélérateur de carrière, un moyen de prendre des responsabilités facilement ». De quoi séduire cette génération Y qui a la bougeotte. Non sans lui proposer des niveaux de salaires situés dans la moyenne haute des recruteurs.